05-08-2025
Le Tour de l'Île
Cette chronique a été publiée le mardi 5 juin 1990, en page A5. Nous la republions sans altérer les mots que l'auteur a utilisés à l'époque.
Pis, avez-vous fait le Tour de l'Île ? Pas moi. J'ai roulé dans mon coin. Mais je suis rentré assez tôt pour vous regarder pédaler à la télévision.
Vous étiez beaux. Si si je vous assure. Même sous la pluie.
Un évènement unique ce Tour de l'Île, du moins d'une urbanité unique : 38 000 personnes dans la rue, qu'on le veuille ou non, c'est un évènement politique, surtout quand on se souvient que le politique, dans la totalité de son sens, est l'art du vivre ensemble…
Une vraie grande fête de la participation ce Tour de l'Île. Ce que ne sera jamais aucun marathon populaire, parce que c'est trop exigeant physiquement, parce que c'est de la douce mongolerie de courir à pied 42 kilomètres quand on est plus ou moins en forme, alors qu'il est tout à fait raisonnable de pédaler tranquillement 60 kilomètres pour à peu près n'importe qui.
Et justement. Est-ce que je pourrais vous faire un petit reproche ? Oh tout petit, tout petit. Voilà : me trompai-je ou entendis-je péter très fort vos bretelles ? À la télé hier (et à la radio aujourd'hui) me semble que je vous ai entendu parler de votre Tour de l'Île comme d'un exploit extraordinaire, je vous ai entendu dire cent fois, mille fois : « Hourra, je l'ai fait ! » Exactement comme les tôtons du marathon…
De deux choses l'une. Ou bien vous êtes en phase terminale du cancer du poumon et vous avez effectivement accompli un exploit en complétant le Tour de l'Île, ce dont je ne vous félicite pas, vous auriez mieux fait de rester à la maison.
Ou bien vous vous excitez le poil des jambes pour la mauvaise raison. Le Tour de l'Île c'est rien pour se vanter. C'est tout pour fêter.
Le Tour de l'Île c'est un jour de bonté où l'homme et sa fiancée n'essaient justement pas de gagner une médaille dans la boue.
C'est un jour de Grâce où la compétition est réduite au double zéro des deux roues d'un vélo en balade…
